INTERVIEW
MORIHEI UESHIBA
ET
KISSHOMARU UESHIBA
Aïki
News n°18.
Traduit en français par Jacques Renaud.
Reproduit ici avec l'aimable autorisation de Monsieur Stanley Pranin
- Aïkido Journal ©.
Aïki News : Quand j'étais
à l'université mon professeur de philosophie nous a montré
le portrait d'un philosophe célèbre et je suis frappé par
votre ressemblance avec lui, Sensei.
O-Sensei : je vois. Peut-être ai-je pratiqué
la philosophie. Mon côté spirituel est plus souligné que
mon côté physique.
Aïki News : Il est dit
que l'aïkido diffère tout à fait du karaté et du judo.
O-Sensei : à mon avis, on peut dire que c'est
le vrai art martial. La raison en est que Aïkido est un art
martial basé sur la vérité universelle. Cet Univers est
composé de nombreuses parties différentes et, de plus,
l'Univers est uni comme une famille et symbolise l'état
suprême de paix. En ayant une telle vue de l'Univers,
l'aïkido ne peut pas ne pas être un art martial d'amour.
Aïkido ne peut pas être un art martial de violence. Pour
cette raison, on peut dire que l'aïkido est une autre
manifestation du Créateur de l'Univers. Autrement dit,
l'aïkido ressemble à un géant (immense dans la nature).
Donc, dans l'aïkido, le Ciel et la Terre deviennent les
sources, recevant un enseignement. L'état d'âme de l'aïkidoka
doit être paisible et totalement non violent. C'est-à-dire
cet état d'âme spécial qui transforme la violence en un
état d'harmonie. Et c'est, je pense, le véritable esprit des
arts martiaux japonais. On nous a donné cette terre pour
transformer un ciel sur la terre. L'activité guerrière est
totalement hors de propos.
Aïki News : Il diffère
tout à fait des arts martiaux traditionnels, alors.
O-Sensei : En effet, c'est tout à fait
différent. Si nous regardons derrière nous dans quelque
temps, nous verrons comment les arts martiaux ont été
abusés. Pendant la Période Sengoku (1482-1558) (la
signification de Sengoku : "des pays faisant la
guerre") des notables locaux ont employé les arts
martiaux comme un outil de combat pour servir leurs intérêts
privés et satisfaire leur avidité. Ce qui était, je pense,
totalement inopportun. J'ai moi-même été initié aux arts
martiaux afin de tuer des soldats durant la Guerre, ce qui m'a
profondément dérangé une fois le conflit terminé. Cela m'a
poussé à découvrir l'esprit véritable de l'aïkido il y a
sept ans, temps durant lequel je me suis heurté à l'idée de
construire un ciel sur la terre. La raison de cette
résolution était que bien que le ciel et la terre
(c'est-à-dire, l'univers physique) avaient atteint un état
de perfection et étaient relativement stables dans leur
évolution, l'humanité (particulièrement les japonais)
semblait être dans un état de bouleversement. Nous devons
tout d'abord, faire évoluer cette situation. La réalisation
de cette mission mène sur le chemin de l'évolution vers
l'humanité universelle. Lorsque j'ai réalisé ceci, je suis
arrivé à la conclusion que le vrai aïkido est Amour et
Harmonie. Ainsi le "bu" (martial) dans l'aïkido est
l'expression d'Amour. J'étudiais l'aïkido pour servir mon
pays. Ainsi, l'esprit de l'aïkido peut seulement être Amour
et Harmonie. L'aïkido est né conformément aux principes et
aux travaux de l'Univers. Donc, c'est un budo (art martial) de
victoire absolue.
Aïki News : Pouvez-vous
nous parler des principes d'aïkido ? Le grand public
considère l'aïkido comme quelque chose de mystique comme le
ninjutsu, du fait que vous, Sensei, avez réussi à maitriser
des adversaires énormes (qui pouvaient soulever des objets
pesant plusieurs centaines de livres) et ce avec une telle
rapidité.
O-Sensei : Il semble seulement être mystique.
Dans l'aïkido nous utilisons uniquement l'énergie de
l'adversaire. Ainsi plus votre adversaire utilise d'énergie,
plus vous pouvez utiliser cette énergie.
Aïki News : Alors, dans
ce sens, il y a aiki dans le judo aussi, puisque dans le judo
vous synchronisez votre rythme avec le rythme de votre
adversaire. S'il tire, vous poussez, s'il pousse, vous tirez.
Vous le déplacez selon ce principe et le faites perdre son
équilibre et appliquez ensuite votre technique.
O-Sensei : Dans l'aïkido, il n'y a absolument
aucune attaque. Attaquer signifie que l'esprit a déjà perdu.
Nous adhérons au principe de non-résistance absolue,
c'est-à-dire nous ne nous opposons pas à l'attaquant. Ainsi,
il n'y a aucun adversaire dans l'aïkido. La victoire dans
l'aïkido est masakatsu agatsu (la victoire correcte est la
victoire sur soi-même) puisque vous vainquez conformément à
la mission du ciel, vous possédez la force absolue.
Aïki News : Est ce que
cela signifie ato no sen ? (Ce terme se réfère à une
ultime réponse à une attaque.)
O-Sensei : Absolument pas. Ce n'est pas une question
de sensen no sen ou de sen no sen, si je devais essayer de
l'expliquer, je dirais que vous contrôlez votre adversaire
sans essayer de le contrôler. C'est-à-dire l'état de
victoire continue. Il n'est pas de question de victoire ou de
défaite face à un adversaire. Dans ce sens, il n'y a aucun
adversaire dans l'aïkido. Même si vous avez un adversaire,
il devient une partie de vous, un partenaire que vous
contrôlez seulement.
Aïki News : Combien de
techniques existent en aïkido ?
O-Sensei : Il y a environ 3,000 techniques de
base et chacune d'entre elles a 16 variantes ... ainsi il en
existe quelques dizaines de milliers. Et selon la situation,
vous en créez de nouvelles.
Aïki News : Quand
avez-vous commencé l'étude d'arts martiaux ?
O-Sensei : J'ai commencé à l'âge de 14 ou 15
ans. J'ai d'abord appris le Tenshinyo-ryu Jiujitsu de
Tokusaburo Tozawa Sensei, puis le Kito-ryu, le Yagyu-ryu, le
Aioi-ryu et le Shinkage-ryu qui sont des formes de jujutsu.
Cependant, je pensais qu'il pouvait exister une vraie forme de
budo ailleurs. J'ai donc essayé le Hozoin-ryu sojitsu et le
kendo. Mais tous ces arts sont axés sur des formes de combat
1 contre 1 et ne pouvaient me satisfaire. J'ai donc voyagé à
travers tout le pays cherchant la Voie et la formation, mais
en vain.
Aïki News : C'est la
formation ascétique du guerrier ?
O-Sensei : Oui, la recherche du vrai budo. Quand
j'eu l'habitude d'aller dans d'autres écoles je ne défiais
jamais le sensei du dojo. Un sensei responsable d'un dojo est
chargé de beaucoup de responsabilités, donc il est très
difficile pour lui pour montrer sa vraie valeur. Avec tout le respect que je lui devais j'apprenais de lui. Si je me
jugeais supérieur, je lui montrais à nouveau tout mon respect et je
rentrais chez moi.
Aïki News : Alors vous
n'avez pas commencé par apprendre l'aïkido. Quand l'aïkido
vous est il apparu ?
O-Sensei :
Comme je vous l'ai dit auparavant, je suis
allé à beaucoup d'endroits à la recherche du véritable
budo ... Lorsque j'eue environ 30 ans, je me suis installé
dans Hokkaido. Par hasard, à l'Auberge Hisada de Engaru,
Province de Kitami, j'ai rencontré un certain Sokaku Takeda
Sensei du clan Aizu. Il a reçu un enseignement Daito-ryu
jujutsu. Durant 30 jours j'ai appris de lui et j'ai senti
comme une inspiration. Plus tard, j'ai invité cet enseignant
en ma maison et ensemble avec 15 ou 16 de mes employés j'ai
continué à étudier en cherchant l'essence du budo.
Aïki News : Avez-vous
découvert l'aïkido tandis que vous appreniez le Daito-ryu
auprès de Sokaku Takeda ?
O-Sensei : Non, il serait plus précis de dire
que Takeda Sensei m'a ouvert les yeux au budo.
Aïki News : Y a-t-il eue
des circonstances spéciales entourant votre découverte de l'aïkido
?
O-Sensei : Oui en effet. Mon père est tombé
très malade en 1919. J'ai demandé le congé de Takeda Sensei
et suis retourné chez moi. Sur le chemin, on m'a dit que l'on
pouvait passer par Ayabe près de Kyoto afin de dédier une
prière pour que n'importe quelle maladie soit guéri. J'y
suis donc allé et j'y ai rencontré Onisaburo Deguchi.
Ensuite, quand je suis arrivé chez moi, j'ai appris que mon
père était déjà mort. Bien que j'aie rencontré Sensei
Deguchi seulement une fois, j'ai décidé de retourner à
Ayabe avec ma famille et d'y rester jusqu'à la dernière
partie de la période Taisho (autour de 1925). Oui ... j'avais
environ 40 ans. Un jour je me séchait vigoureusement. Soudain
une cascade lumineuse et d'or est descendue du ciel
enveloppant mon corps. Alors immédiatement mon corps est
devenu plus grand, atteignant la taille de l'Univers entier.
Tandis qu'écrasé par cette expérience je me suis soudain
rendu compte qu'il ne faut pas essayer de gagner. La forme de
budo doit être l'amour. Il faut vivre en amour. C'est
l'aïkido et c'est la forme ancienne des positions dans le
kenjutsu. Après cette réalisation j'étais ravi et ne
pouvais retenir les larmes.
Aïki News : Alors, dans
le budo, il n'est pas bon d'être fort. Depuis des temps
anciens l'unification "corps" et "esprit"
a été enseigné. En effet, l'essence du budo ne peut pas
être comprise sans vider votre esprit. Dans cet état, ni le
bien ni le mal n'ont de signification.
O-Sensei : Comme j'ai dit précédemment,
l'essence de budo est la Voie de masakatsu agatsu (la
véritable victoire est la victoire sur soi même).
Aïki News : J'ai entendu
une histoire dans laquelle vous avez été impliqué lors d'un
combat avec environ 150 ouvriers.
O-Sensei : j'y étais ? Autant que je me souvienne
... Deguchi Sensei est allé en Mongolie en 1924 pour
réaliser son objectif d'une communauté asiatique plus grande
conformément à la politique nationale. Je l'ai accompagné
à sa demande bien que l'on m'ait demandé d'entrer à
l'armée. Nous avons voyagé en Mongolie et en Manchourie.
Tandis que voyagions dans ce dernier, nous avons rencontré un
groupe de bandits à cheval et des coups de feu ont éclaté.
J'ai riposté avec un mauser et ai ensuite continué à me
battre au milieu des bandits, les attaquant avec acharnement
et ils se sont dispersés. J'ai réussi à me sortir de ce
danger.
Aïki News : Je comprends,
Sensei, que vous avez beaucoup de rapports avec la Manchourie.
Avez-vous passé une longue période là bas ?
O-Sensei : Depuis cet incident je suis allé en Manchourie
fort souvent. J'étais conseiller en arts martiaux pour
l'organisation Shimbuden ainsi que pour l'Université Kenkoku
en Mongolie. C'est pour cette raison que je fut toujours bien
reçu.
Aïki News : Ashihei Hino
a écrit une histoire appelée "Oja no Za" dans
Shosetsu Shincho dans lequel il narre la jeunesse de Tenryu
Saburo, le rebelle du monde Sumo et sa rencontre avec l'art
martial d'aïkido et son vrai esprit. Cela vous a-t-il marqué,
Sensei ?
O-Sensei : Oui.
Aïki News : Alors, cela
signifie-t-il que vous avez été lié à Tenryu durant cette
période ?
O-Sensei : Oui. je l'ai hébergé durant environ trois mois.
Aïki News : C'était en Manchourie
?
O-Sensei : Oui. Je l'ai rencontré lorsque nous faisions le tour de
Manchourie après la célébration marquant le 10ème anniversaire de
l'établissement du gouvernement. Il y avait un homme de forte
corpulence qui regardait à la présentation et beaucoup de
personnes le poussaient et commentaient "Ce
Sensei a une force énorme. Pouvez vous le mettre à l'épreuve
?" J'ai demandé à une personne à mes côtés qui
était cet homme. On m'a alors expliqué qu'il
était le célèbre Tenryu, qui s'était mis à l'écart de l'Association
des lutteurs de Sumo. Je lui ai alors été présenté. Finalement,
nous avons opposer notre force contre l'un l'autre.
Je me suis assis et ai dit à Tenryu, "essayez S'il vous
plaît de me renverser. Poussez durement, il n'y a aucun
besoin de retenir." Puisque je connaissais le
secret d'aïkido, je ne pouvais pas être déplacé un pouce.
Même Tenryu a semblé étonné à cela. Suite à cette
expérience il est devenu un étudiant d'aïkido. Il était un
homme bon.
Aïki News : Sensei, avez-vous été aussi
associé à la marine ?
O-Sensei : Oui, durant une longue période.
Commençant en 1927 ou 1928, pour une durée d'environ
10 ans j'étais professeur à temps partiel à l'École
navale.
Aïki News : Avez-vous
enseigné aux soldats lorsque vous étiez à l'École navale ?
O-Sensei : tout à fait, j'ai souvent enseigné pour les
militaires, en commençant par l'École navale aux alentours
de 1927-1928. Vers 1932 ou 1933 j'ai ouvert une classe d'arts
martiaux à l'École Toyama pour l'armée. Puis vers 1941-1942
j'ai enseigné l'aïkido aux étudiants de l'École de la Police
Militaire. Puis, j'ai effectué une démonstration d'aïkido sur l'invitation
du Général Toshie Maeda, Surveillant de l'Académie De l'armée.
Aïki News : Puisque vous avez
enseigné aux soldats, vous avez du rencontrer des brutes et
de nombreuses péripéties.
O-Sensei : Oui. Je suis même tombé dans des embuscades.
Aïki News : Est-ce parce
qu'ils vous considéraient comme un enseignant autoritaire ?
O-Sensei : Non, ce n'était pas cela. Ils devaient évaluer ma
force. Une soirée, alors que je
marchais sur le terrain ou j'enseignais,
j'ai senti quelque chose d'étrange qui se passait. J'ai estimé que
ce que je ressentais était. Soudaint, de toutes les directions,
des buissons et des tranchés de nombreux soldats sont apparu
et m'ont encerclé. Ils ont commencé à me frapper avec des
bokken (épées en bois) et des fusils en bois. Mais comme
j'étais habitué à cet exercice je ne me suis pas opposé. Comme ils
essayaient de me toucher mon corps esquivait ces coups et ils sont tombés
facilement. Finalement, ils se sont tous épuisé. En tout cas,
ils furent tous surpris. Il y a peu de temps, j'ai rencontré un des hommes qui
m'ont attaqué. Je suis toujours conseiller auprès des
Anciens étudiants Militaires de Police de la Préfecture de
Wakayama. Durant une réunion récente, un homme m'a reconnu
et s'est approché de moi avec le sourire. Après avoir
parlé durant quelques minutes, j'ai appris qu'il était un
des hommes qui m'avaient attaqué ce jour il y a des années. En
se grattant sa tête il m'a raconté la chose
suivante : "je suis extrêmement désolé de cet incident. Ce
jour nous voulions vraiment savoir si le nouveau professeur
d'aïkido était vraiment fort. Un groupe d'entre nous, de la
police militaire, discutait de cette question et a
décidé de tester le nouvel enseignant. Environ 30 hommes
étaient à l'affût. Nous avons été complètement stupéfait que 30 hommes
comme nous, pleins d'assurance, ne pouvions rien
faire face à votre force."
Aïki News : Y a-t-il eue des
péripéties de ce type alors que
vous étiez à l'École Toyama ?
O-Sensei : concours de force ? Un incident a eu lieu, je
crois, avant l'épisode avec la police militaire. Plusieurs
capitaines qui étaient des instructeurs à l'École Toyama
m'ont invité à tester ma force contre la leur. Ils étaient tous
fiers et sur d'eux, de leurs capacités, disant des choses
comme : "je suis capable de soulever tel
poids," ou "j'ai cassé un rondin de tant de
pouces de diamètre" alors je leur ai expliqué," je n'ai
pas de force comme la vôtre, mais je peux faire chuter des
hommes comme vous avec seulement mon petit doigt. Je vous plains si
vous chutez, donc testons avec mon doigt au lieu de nous
opposer." J'ai étendu mon bras droit et j'ai détendu le
bout de mon index sur la bord d'un bureau et les ai
invités à se coucher sur mon bras. Un, deux, puis trois officiers sur mon bras
alors chacun a ouvert de grands yeux.
J'ai continué jusqu'à six hommes sur mon bras et j'ai
ensuite demandé à l'officier étant debout près de moi de
me servir un verre d'eau. Comme je buvais l'eau avec ma main gauche
j'ai échangé avec chacun un regard calme.
Aïki News : À part l'aïkido, vous devez
posséder une énorme force physique.
O-Sensei : Pas vraiment.
Kisshomaru Ueshiba : Bien sûr qu'il possède une force, mais
elle doit être décrite comme la puissance du ki, plutôt
que comme la force physique. Il y a quelque temps, alors que nous
allions à une inauguration dans le pays, nous avons vu
sept ou huit ouvriers essayant en vain soulever une souche
d'arbre énorme. Mon père était debout les regardant un
instant, puis il leur a ensuite demandé de se mettre sur le côté
afin qu'il puisse essayer. Il a soulevé la souche facilement
et l'a promptement emporté. Il est totalement inconcevable de
faire une telle chose avec la simple force physique. Il
y a eue aussi un incident impliquant un certain Mihamahiro.
Aïki News : En était il
de même avec Mihamahiro de l'Association de Lutte de Takasago Beya Sumo ?
O-Sensei : Oui. Il était de la Province de Kishu.
Lorsque j'étais à Shingu (Wakayama), Mihamahiro réussissait
dans le Sumo. Il avait une force énorme et pouvait
soulever trois rails de plusieurs centaines de
livres. Quand j'appris que Mihamahiro était en ville, je l'ai invité à venir. Tandis que nous parlions,
Mihamahiro a dit, "j'ai aussi entendu dire que vous, Sensei, possédez
une grande force. Pourquoi ne pas tester notre force ?" "très
bien. Je peux vous immobiliser avec mon index seul," ai-je répondu. Alors je
lui ai demandé me pousser tandis que j'étais assis. Ce
partenaire capable de soulever des poids énormes a râlé et a haleté,
mais il ne pouvait pas me renverser. Après cela, j'ai dirigé
sa puissance loin de moi et il est allé
voler. Comme il est tombé je l'ai immobilisé avec mon
index et il est resté totalement immobile. cela a ressemblé
à un adulte immobilisant un bébé. Alors j'ai suggéré qu'il
essaye de nouveau et de pousser contre mon front.
Cependant, il ne pouvait pas me déplacer du tout. Alors j'ai
étendu mes jambes en avant et, m'équilibrant,
j'ai soulevé mes jambes du plancher et le faisais me
pousser. Il ne pouvait pas me déplacer. Il a
été étonné et a commencé à étudier l'aïkido.
Aïki News : Quand vous dites que vous
immobilisez une personne d'un doigt, touchez-vous un point
vital ?
O-Sensei : je dessine un cercle autour de lui. Sa
puissance est enfermée à l'intérieur de ce cercle.
Peu importe la force de cet homme, il ne peut
pas étendre sa puissance à l'extérieur
de ce cercle. Il devient impuissant. Ainsi, si vous
immobilisez votre adversaire tandis que vous êtes à l'extérieur de son
cercle, vous pouvez le tenir avec votre index ou votre petit
doigt. C'est possible parce que l'adversaire est déjà devenu
impuissant.
Aïki News : De nouveau, c'est une question de
physique. Dans le judo aussi, quand vous projetez un adversaire
ou l'immobilisez vous vous placez dans la même position. Dans
le judo, vous vous déplacez de façons diverses et essayez de
placer votre adversaire dans une telle position.
Votre femme aussi est de la Préfecture de Wakayama ?
O-Sensei : Oui. Son nom de jeune fille à Wakayama était
Takeda.
Aïki News : Le nom de famille de Takeda est
étroitement associé aux arts martiaux.
O-Sensei : Vous pouvez le dire. Ma famille a été loyale
envers la Famille Impériale depuis de nombreuses générations.
Un soutien sans réserves. En fait, mes
ancêtres ont renoncé à leurs biens et à la fortune
et se sont déplacés partout au service de la Famille
Impériale.
Aïki News : Vous aussi, Sensei, vous
êtes continuellement déplacés lorsque vous étiez
un jeune homme, cela a dû être très difficile pour
votre femme.
O-Sensei : En effet j'étais très occupé et je n'ai pas
passé beaucoup
le temps à la maison.
Kisshomaru Ueshiba : La famille de mon père était
assez aisée, de ce fait, il avait donc la possibilité de poursuivre
sa recherche dans les arts martiaux. Et une autre chose, autre
des caractéristiques de mon père est qu'il se soucie peu de l'argent. L'incident suivant a eu
lieu lorsque mon père s'est installé à
Tokyo en 1926, sa deuxième visite dans la capitale, il
est d'abord venu seul et a ensuite été suivi par la famille,
venant de Tanabe en 1927. Nous nous
sommes tous installés à Sarumachi, Shibashirogane à
Tokyo. Nous avons loué cet endroit grace à M. Kiyoshi
Yamamoto, fils du Général Gambei Yamamoto. Mon père possédait une
beaucoup de
propriétés autour de Tanabe, y compris des domaines cultivés et non cultivés et
du terrain montagneux.
Cependant, il avait peu d'argent. Il a dû emprunter de
l'argent pour venir à Tokyo. Malgré cela, il ne lui est jamais
arrivé pour vendre n'importe quelle terre. Non seulement
cela, quand ses étudiants apportés sur les offres mensuelles
qu'il répondrait, "je ne veux pas de cela." Il leur a dit de l'offrir au kamisama (la
déité) et n'a jamais accepté directement l'argent . Et quand il
était dans le besoin d'argent il se présenterait
lui-même humblement devant l'autel du kamisama et recevrait des cadeaux
de la déité. Nous n'avons jamais pensé gagner de l'argent
avec le budo. L'endroit ou il enseignait à cette période était
la pièce de billard de l'hôtel particulier de
Shimazu. Beaucoup de dignitaires, y compris des officiers militaires
comme l'Amiral Isamu Takeshita et beaucoup
d'aristocrates, sont venus pour pratiquer. Le nom que nous
avons employé était aikijujutsu ou Ueshiba-ryu aikijutsu.
Aïki News : Quel est un bon âge pour
commencer à suivre une formation d'aïkido ?
Kisshomaru Ueshiba : Vous pouvez commencer à recevoir une
formation à l'âge de 7 ou 8 ans, mais la formation
idéalement sérieuse doit commencer à environ 15 ou 16 ans.
Physiquement parlant, le corps devient apte et les os plus forts à cet âge. En plus,
l'aïkido contient de nombreux aspects spirituels (il est
possible de pratiquer d'autres formes de budo), ou il faut
être en âge d'acquérir une perspective du monde et de la nature
de budo. Ainsi, en somme, je dirais 15 ou 16 ans est un bon âge
pour commencer l'étude de l'aïkido.
Aïki News : Contrairement
au judo, il y a très
peu d'occasions de se mesurer avec son adversaire dans
l'aïkido. Ainsi la force physique n'est pas exigée
dans l'aïkido. De plus, vous pouvez pratiquer non pas qu'avec
un
mais beaucoup de partenaires en même temps. C'est vraiment un
budo idéal. À cet égard, y a-t-il aussi beaucoup de bagarreurs
qui viennent pour étudier l'aïkido ?
Kisshomaru Ueshiba : Bien sûr, ce type d'individus
s'inscrit aussi. Mais quand ces personnes étudient
l'aïkido avec l'intention de l'utiliser comme une arme pour le combat, ils ne
restent pas bien longtemps. Le Budo ne
ressemble pas à la danse ou l'observation d'un film. Vous devez pratiquer à tout
les instants de votre
vie quotidienne pour progresser. L'aïkido est une
forme de budo qui a particulièrement employer la formation spirituelle.
Aïkido ne peut jamais être employé comme une arme par ceux qui l'emploieraient pour le combat. Aussi, les
individus attirés par la violence cessent de se comporter de cette façon quand ils apprennent l'aïkido.
Aïki News : Je vois ...
avec formation régulière ils arrêtent de se comporter comme des bagarreurs.
O-Sensei : Puisque l'aïkido n'est pas un Bu (méthode
martiale) de violence, mais plutôt un art martial d'amour,
vous ne vous comportez pas violemment. Vous convertissez
l'adversaire violent d'une façon douce. Ils ne peuvent pas se
comporter comme des bagarreurs plus longtemps.
Aïki News : Je vois. Ce n'est pas
contrôler la
violence par la violence, mais transformer la violence par l'amour.
Aïki News : Qu'enseignez-vous d'abord comme
principe de base de l'aïkido ? Dans le judo on apprend ukemi (la chute)...
Kisshomaru Ueshiba : D'abord, les mouvements d'esquive
(taisabaki), puis le flux du ki ...
Aïki News : Qu'est ce
"le flux du ki" ?
Kisshomaru Ueshiba : Dans l'aïkido, nous apprenons constamment
à contrôler librement le ki de notre partenaire
par le mouvement de notre propre ki, en l'attirant dans notre propre mouvement. Ensuite, nous
apprenons à tourner notre corps. Vous déplacez non
seulement votre corps, mais vos bras et pieds ensemble.
Alors le corps entier devient unifié et se déplace sans
à-coup.
Aïki News : En observant la pratique d'aïkido,
les pratiquants semblent tomber naturellement. Quelle sorte de
pratique faites-vous pour ukeml ?
Kisshomaru Ueshiba : À la différence du judo, où vous vous
agrippez avec votre adversaire, dans l'aïkido vous maintenez presque
toujours une certaine distance. Par
conséquent, un type plus libre d'ukemi est possible. Au lieu
de la chute avec un bruit sourd comme dans le judo, nous faisons des
chutes circulaires, une forme très
naturelle d'ukemi. Donc nous pratiquons avec à l'esprit les quatre éléments
tout à fait diligemment.
Aïki News : Donc vous pratiquez tai
no sabaki (des mouvements de corps), ki no nagare (ki le
flux), tai no tenkan ho (le corps tournant), ukemi et
commencez ensuite la pratique de techniques. Quel type de
technique enseignez-vous d'abord ?
Kisshomaru Ueshiba : Shihonage, une technique pour projeter un
adversaire dans beaucoup de directions différentes. C'est
enseigné de la même manière dans la technique d'épée. Bien
sûr, nous employons aussi le bokken (épée de bois). Comme je
l'ai dit auparavant, dans l'aïkido même le partenaire devient une
partie de votre mouvement. Je peux déplacer mon partenaire librement à volonté. Il suit naturellement quand vous
pratiquez avec les moyens à votre disposition, à main nue ou
avec une épée de bois, cela devient
une partie de vous autant qu'un bras ou un pied. Donc, dans
l'aïkido vous devez cessez de le considérer comme un simple
objet. Cela devient une extension de votre propre corps.
Ensuite vient iriminage. Dans cette technique vous entrez
alors même
que votre adversaire essaye de vous frapper par des atemi (des
coups). Par
exemple, le partenaire frappe sur côté de votre visage avec
son poing ou la main sabre (tegatana). En employant la
puissance de votre partenaire, vous ouvrez votre
corps à l'arrière gauche tout en menant sa main droite de vos deux mains
étendues, en poursuivant dans la direction de son mouvement. Alors, tenant la
main de votre partenaire vous le déplacez dans un mouvement
circulaire autour de sa tête. Il tombe alors avec sa main
enveloppée autour de sa tête.... Ceci est aussi fait avec le flux
du ki... Il y a des théories sophistiquées diverses sur ce
point. Il est alors totalement
impuissant, ou plutôt sa puissance est guidée dans la direction
que vous voulez le prendre. Ainsi plus son attaque est puissante
plus cette puissance est pour vous.
D'autre part, si vous vous opposez à la puissance de votre
partenaire vous ne pouvez jamais
espérer gagner contre une personne très forte.
O-Sensei : Dans l'aïkido vous n'allez jamais contre la
puissance de celui qui attaque. Quand il vous attaque, la
frappe ou la coupe avec une épée, il y a
essentiellement une ligne ou un point. Tout que vous devez
faire c'est éviter cela.
Kisshomaru Ueshiba : Ensuite nous faisons les techniques
suivantes : à genoux ikkyo sur une attaque shomenuchi, nikyo,
techniques alors communes et techniques d'immobilisation, et
cetera...
Aïki News : L'aïkido contient beaucoup
d'éléments spirituels. Combien de temps prendrait-il pour
acquérir une compréhension de base d'aïkido en débutant
par le
commencement même ?
Kisshomaru Ueshiba : Nous ne pouvons répondre de
façon générale, mais quand des personnes pratiquent durant environ trois mois,
ils commencent à découvrir ce qu'est l'aïkido. Et ceux qui ont achevé
trois mois de pratique recevront une formation pendant six
mois. Si vous pratiquez pendant six mois, vous pouvez donc
continuer pendant un temps indéfini. Ceux qui ont seulement
un intérêt superficiel quitteront avant trois mois.
Aïki News : Je sais qu'il y aura un examen
shodan le 28 de ce mois. Combien y a t il de détenteurs de
ceinture noirs actuellement ?
Kisshomaru Ueshiba : Le rang le plus élevé est le 8ème
Dan et il en existe quatre. Il y a six 7ème Dan. Et les détenteurs
du Dan sont tout à fait nombreux, mais bien sûr ce chiffre inclut
comprend ceux étant entrés en contact avec le Hombu Dojo après la Guerre.
Aïki News : Je comprends, il y a un
nombre considérable des gens apprenant l'aïkido aussi dans des pays étrangers.
Kisshomaru Ueshiba : M. Tohei a visité Hawaii et les États-Unis
dans le but d'enseigner l'aïkido. Le site ou l'aïkido est le
plus
populaire est Hawaii, il y a 1,200 à 1,300 pratiquants. Cette
chiffre pour Hawaii
serait équivalent à 70,000 ou 80,000 Aïkidoka à Tokyo.
Il y a aussi quelques détenteurs de ceinture noires en
France. Il y a un Français, André NOCQUET, qui a commencé à étudier
l'aïkido après avoir étudié le judo.
Il a voulu éprouver l'esprit d'aïkido, mais n'était pas
capable d'accomplir cela en France. Il a estimé que pour
chercher le vrai esprit d'aïkido il devait se rendre sur le lieu de
naissance de l'art. C'est pourquoi il est
venu au Japon. L'ambassadeur du Panama étudie aussi
l'aïkido, mais il semble que le climat au Japon soit trop
froid pour lui et il ne fait pas de pratique en hiver. Il y a
aussi une dame nommée Onoda Haru qui est allé à Rome
étudier sculpture. Elle est venue au dojo alors qu'elle était étudiante à l'École des Beaux
artsde Tokyo. J'ai récemment reçu une lettre d'elle où elle dit
qu'elle est arrivée de rencontrer un italien qui pratique l'aïkido.
Aïki News : Et concernant l'interprétation des
techniques d'aïkido ?
O-Sensei : Les points essentiels deviennent masakatsu agatsu
et katsuhayai. Comme j'ai dit précédemment, masakatsu "la victoire correcte"
passe par agatsu
"pour gagner conformément à la mission céleste
donnée." Katsuhayai signifie "l'état d'âme de
victoire rapide."
Aïki News : Le Chemin est long, n'est-ce pas ?
O-Sensei : le Chemin Aiki est infini. J'ai maintenant 76 ans,
mais je continue toujours ma recherche. Ce n'est pas une
tâche facile de suivre le Chemin des budo ou des arts.
Dans l'aïkido vous devez comprendre chaque phénomène dans
l'Univers. Par exemple, la rotation de la Terre et le système
le plus complexe et d'une grande portée de l'Univers. C'est
une formation perpétuelle.
Aïki News : Ainsi, l'aiki est
un enseignement des
kami aussi bien qu'une voie martiale. Alors dites nous qui est l'esprit
de l'aïkido ?
O-Sensei : l'Aïkido est ai (amour). Vous faites ce grand
amour de l'Univers votre coeur et ensuite vous devez réaliser
votre propre mission la protection et l'amour de toutes les
choses. Accomplir cette mission doit être le vrai budo. Le vrai
budo signifie vous convaincre et éliminer le coeur agressif de l'ennemi... Non, c'est une voie
de la perfection absolue
dans laquelle l'ennemi même est éliminé. La technique d'aiki
est une formation ascétique et une voie par laquelle vous
atteignez un état d'unification du corps et de l'esprit par la
réalisation des principes du Ciel.
Aïki News : La voie de
l'aiki est la paix du
monde ?
O-Sensei : le but suprême de l'aiki est la création
du ciel sur
la terre. En tout cas, le monde entier doit être en harmonie. Alors nous n'avons pas besoin de bombes
atomiques ou à hydrogènes. Cela peut être un monde confortable
et plaisant. |